Les formes de thérapies :

Réponses médicales / sociales à la souffrance humaine ? Pratiques qui prennent soin de la vie ?  Pratiques qui accompagnent les questions d’une existence qui est aussi sociale et sociétale ?

Aujourd’hui, un certain nombre de thérapies existent, allant de la plus médicale à la plus alternative, voire souvent un ensemble de thérapies agissent ensemble pour un même symptôme. L’alliance entre plusieurs approches ou plusieurs substances s’est généralisée quand il est question de la souffrance.

De quelle souffrance parle-t-on ? Celle qui brutalement fait effraction dans la vie et amène parfois aux urgences psychiatriques, ou cette souffrance lancinante d’un mal-être qui, parfois est identifié et parfois passe inaperçu, et pourtant vécu dans de multiples somatisations ou comportements. Troubles de l’anxiété, troubles des conduites, troubles de l’humeur aujourd’hui se manifestent à travers le parcours d’une personne, ou chez la personne. Mais sont-ce des troubles appartenant seulement à la personne, à son parcours de vie ? Ne peut-on pas y voir également les troubles d’une organisation sociétale dont l’individu porte une part de l’histoire de cette organisation, et s’éprouve seul à porter sa part ?

Si l’on regarde de ce côté là, il est possible d’y voir que la société contribue grandement à construire son parcours de vie et à le construire, intégré qu’il est dans les méandres de son organisation, de ses demandes, de son fonctionnement. N’exige-t-elle pas de lui qu’il porte le rôle, les performances, la flexibilité, la réactivité et les exigences pour que le système fonctionne ? Cela ne façonne-t-il pas ce que la personne vit et dont elle s’afflige, quand elle ne répond pas aux exigences d’un système qui ne la reconnaît pas, dans un système vulnérable, défaillant, en échec, en révolte ? Elle le reconnaitra d’autant moins que cette personne faillit à sa tâche, à savoir maintenir le fonctionnement de ce type de système ultra performant, adaptable, transposable, se renouvelant sans cesse dès que ce n’est pas rentable.

La personne peut-elle se renouveler à cette vitesse et dans cette intensité ? On peut se poser cette question, quand il fallait encore 18 ans pour faire d’un enfant un adulte ? Quand il faut encore 9 mois, jusqu’à nouvel ordre pour qu’advienne une vie, un bébé, un être de chair ? Quant est-il de la nature humaine, cette nature charnelle qui a un rythme, des fréquences, des âges ? Je vous laisse chevaucher sur ces questions et peut-être les ouvrir encore davantage. Il me semble que soigner, accompagner aujourd’hui signifie davantage que soigner une souffrance personnelle. Peut-être est-ce aussi accompagner une souffrance de mise en échec sociale dont les retentissements se font sentir au niveau personnel ?

Tenir et s’élancer

Tiens bon !, va y !, lance toi ! Toutes ces phrases vous évoquent certainement des évènements de votre vie. Ils évoquent avant tout un mouvement dans la vie, celui de tenir, peut-être tenir à tout prix pour rester là, pour tenir un monde, le sien, ce à quoi on tient, ce sur quoi on tient aussi. Cela évoque une position alors que s’élancer, un mouvement. Les deux sont porteurs souvent d’émotions intenses et de tout un monde fait d’espérances, d’attente et sont propices à se sentir exister. Plus que jamais aujourd’hui, il est question pour beaucoup d’entre nous d’aller de l’avant, innover, découvrir, explorer, expérimenter presque sans répit et toujours plus vite. Pouvons nous et avons-nous encore droit au retrait, au silence, à la contemplation, à nous sentir être, à ne pas se sentir saturer par tous nos sens, nos instants de vie, nos obligations et nos possibilités de vie, sans en être jugé ou culpabilisé ? Est-il possible de le faire sans le cantonner à des stages de méditation ou de pratiques ou de recherche de bien-être pour aller bien et être en bonne santé ? Sommes-nous encore dépositaire de ce mouvement de vie, celui de digérer, assimiler, dormir, rêver, ne rien faire et simplement être là sans être sollicité ?

C’est une interrogation pour l’instant sans réponse, et je me demande s’il n’est pas question de rapport de mouvement à réévaluer entre le monde et soi pour que tout naturellement nous soyons.

Un monde commun et vivre ensemble : est ce possible ?

De quel monde parle-t-on ? Et de quel commun s’agit-il ? Peut-être y a-t-il là une évidence à questionner. C’est souvent il me semble d’un monde devant soi dont il s’agit, ce monde quelque part qui ne nous appartient pas en propre et dont on se sert, qui nous sert, ou qui nous exploite. Bref d’un monde devant soi, dans un face à face, dont les dimensions de temps et d’espace, nous échappent, où le lien qui nous y relie est modifiable, modulable, adaptable très vite et change de nature tout aussi rapidement et repose sur un lien d’efficacité et d’avoir.

Et si ce monde était un monde sensible et non un monde fait d’objets dont on se sert, qui ont une fonction, une utilité, un monde peuplé d’autres comme nous, identifiés, cela changerait-il quelque chose ? Cela changerait-il quelque chose de se laisser gagner par le sensible de ce qui résonne en nous, d’être présent à ce qui est là ? Cela changerait-il quelque chose de vivre ensemble dans un certain monde qui n’est plus anonyme mais plus proche, moins mondial, fait de personnes et non de systèmes, fait de rencontres et non de circulation d’information, de consommation ? Cela changerait-il quelque chose de ne plus multiplier les rencontres d’autres, dont on ne se souviendra plus, et qui rejoindront le cortège anonyme des autres, de ce monde devant soi ? Cela changerait-il quelque chose de considérer que le temps a une durée finie pour la vie et les vies que nous sommes, que l’espace dont nous jouissons est aussi créé par nous et avec nous, et n’existe pas seulement hors de nous ? Que les moments que nous vivons sont précieux, et engage notre existence avec ce et ceux qui nous entourent, du plus près au plus lointain.

Cela changerait-il quelque chose d’apprendre à connaître ce et ceux qui nous entourent, partagent la même planète quelque soit son mode vie, sa forme de vie ? Cela changerait-il quelque chose de regarder ou considérer le monde non plus comme une évidence devant soi, un dû immuable, inépuisable, reconstituable, mais comme auprès de soi et avec soi ? Un monde dont il faut aussi prendre soin tous ensemble et pas uniquement ceux qui mettent leur vie professionnelle au service du soin de l’environnement ou des autres, par le médical, l’aide, le soin ou la thérapie ? Cela changerait-il quelque chose de vivre dans un monde en partage ?

Le corps et ses limites.

De quoi parle-t-on en fait ? Qu’est ce que le corps ? L’anatomie ? Ce que l’on voit, ce que l’on sent, ce que l’on projette ? Ce dont on se souvient ?

Est-ce que penser, imaginer, se projeter dans l’avenir, ailleurs ou dans le passé sont du corps, le vécu du corps, le temps du corps, l’espace du corps ?

Sentir, éprouver, voir, goûter, entendre, toucher se fait par le corps et est-ce du corps ? Le vécu du corps, est-ce du corps sous une autre forme ?

Les limites corporelles, où commencent-elles, ou finissent-elles ? De quel corps parle-t-on en fait ? La situation, si on s’y attarde, semble plus complexe qu’il n’y paraît. En effet, quand on parle de corps, il très possible que l’on s’entende à parler du schéma corporel, c’est une représentation commune en tout cas. Et pourtant !!!

Si nous poussons plus loin, s’arrêter au schéma corporel c’est autant parler des vivants que des morts. Qu’est ce qui différencie ces deux corps là ? Il est possible que la mort replie l’espace à l’espace du gisant, du schéma corporel dont on pourra dire c’est un lion, un humain, nous attribuant par là même une espèce et aussi des capacités et des possibilités. Je crois qu’il ne fait aucun doute qu’entre la dent d’un lion et les nôtres il y a une certaine différence de capacité. Il n’y a pas photo quant aux compétences de la dentition d’une espèce et de l’autre par exemple. Mais qu’en est-il de l’espace qu’ouvre un corps vivant ? L’espace s’arrête-t-il aux capacités et compétences du schéma corporel, de l’anatomie corporelle ?

Espace, temps et corps ne seraient-ils pas liés, et ne composeraient-ils pas, les formes du corps, d’un seul corps qui se renouvelle toute la vie, ni tout à fait le même, ni tout à fait différent ?

Ce corps que nous sommes et que nous avons, où commence-t-il vraiment et où finit-il ? Peut-être que s’ouvrir à cette réflexion sur la corporéité ouvre l’accès à notre façon d’habiter ces structures corporelles, d’agir à partir d’elle et d’ouvrir un monde toujours et sans cesse où le sentiment de notre existence prend forme et où exister apparaît.

Je vous laisse avec ces réflexions pour tenter de répondre à cette évidence que nous sommes un corps au monde rien de moins et rien de plus. Pourtant cette corporéité reste bien mystérieuse encore aujourd’hui que ce soit du point de vue scientifique ou psychologique. Nous pouvons tout au plus cerner quelques structures biologiques, physiologiques mais qu’en est-il des structures existentielles ?

Régine CLUDY

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